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COUR D'APPEL
D'AGEN

1ère Chambre
MATRIMONIAL

ARRÊT

DU 05 JUIN 2008

R.G. N° 07/00869 

D. N. / I. L.

Fabrice X...

C/

Brigitte Y... épouse X...

Aide juridictionnelle-
A R R E T No 563 

Appel d'un jugement Tribunal de Grande Instance d'AUCH, décision attaquée en date du 11 Avril 2007


 

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Prononcé à l'audience publique du cinq Juin deux mille huit, par Bernard BOUTIE, Président de Chambre, assisté d'Isabelle LECLERCQ, Greffier

APPELANT

Monsieur X...

représenté par Me Jean-Michel BURG, avoué
assisté de Me Patrick JOLIBERT, avocat

APPELANT d'un jugement du Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance d'AUCH, décision attaquée en date du 11 Avril 2007, enregistrée sous le no 05 / 36

INTIMÉE

Madame Y...

représentée par la SCP J. et E. VIMONT, avoués
assistée de Me Dominique CELIER, avocat
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2007 / 02855 du 17 / 07 / 2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AGEN)

A rendu l'arrêt contradictoire. La cause a été débattue et plaidée en Chambre du Conseil, le 15 Mai 2008 sans opposition des parties, devant Dominique NOLET, Conseiller rapporteur assistée d'Isabelle LECLERCQ, Greffier.

Le Conseiller rapporteur et rédacteur en a, dans son délibéré, rendu compte à la Cour composée, outre lui-même, de
Bernard BOUTIE, Président de Chambre et
François CERTNER, Conseiller,

en application des dispositions des articles 945-1 et 786 du Nouveau Code de Procédure Civile, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.

 

 


Dans des conditions de régularité, de forme et de délai non discutées, Fabrice X... a interjeté appel le 11 juin 2007 d'un jugement rendu le 11 avril 2007 par le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance d'Auch ayant notamment :

- prononcé le divorce aux torts du mari,

- condamné Monsieur X... à payer à Madame Y... une prestation compensatoire d'un montant de 26 000 €,

- débouté Monsieur X... de sa demande de garde alternée,

- fixé le domicile des enfants chez leur mère et accordé au père un droit de visite et d'hébergement traditionnel,

- fixé à 180 € par mois la contribution du père à l'entretien et l'éducation de chacun des enfants.

L'appelant conclut à la réformation de la décision entreprise et demande que le divorce soit prononcé aux torts exclusifs de son épouse qui sera déboutée de sa demande de prestation compensatoire, et condamnée à lui payer 10 000 € de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 266 du Code Civil. Il demande que soit ordonnée la résidence alternée des enfants et à défaut que soit élargi son droit de visite et d'hébergement. Enfin, il sollicite l'allocation de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'intimée forme un appel incident et demande que le montant de la prestation compensatoire soit porté à 45 000 €. Elle sollicite la condamnation de Monsieur X... à lui payer 5 000 € de dommages et intérêts.

Vu les dernières conclusions de l'appelant en date du 5 mai 2008 ;

Vu les dernières conclusions de l'intimée en date du 22 novembre 2007 ;

SUR QUOI,

Les époux X... se sont mariés le 18 avril 1997 sous le régime de la séparation de biens. Deux enfants sont issus de cette union, Sacha en 1999 et Dimitri en 2002.

SUR LA DEMANDE EN DIVORCE :

SUR LA DEMANDE PRINCIPALE :

Madame Y... argue à titre principal de l'abandon du domicile conjugal par son époux.

Cet abandon est attesté par divers témoins : Madame B..., Madame et Monsieur C..., Christophe Y..., Bénédicte Y..., Fabien D..., qui tous affirment que Monsieur X... a quitté le domicile conjugal le 25 décembre 2004 ;

Mais surtout, il résulte de la propre attestation de Fabrice X... lui même, qui en partant a laissé un document versé aux débats aux termes duquel il déclare " se séparer de son épouse Brigitte X..., ce jour le 1o décembre 2004. "

Monsieur X... prétend qu'il a été contraint de quitter le domicile conjugal mais ne justifie en rien de cette contrainte dans ses conclusions, se contentant d'indiquer qu'il occupait un emploi à temps plein, le contraignant à des missions de plusieurs jours. On ne comprend pas en quoi cette contrainte qui pèse sur de nombreux salariés et qui en ce qui le concerne existait depuis des années, justifie l'abandon du domicile conjugal. Monsieur X... produit l'attestation d'un ami qui prouve également que ce dernier a quitté le domicile conjugal le jour de Noël 2004, et qui se déclare scandalisé que ses vêtements aient été jetés dans de grandes poches en plastique ! On ne peut évidemment reprocher à son épouse de lui avoir remis brutalement ses effets, alors qu'il venait de lui annoncer, le jour de Noël, son départ.

Ce seul fait sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs d'abandon moral et d'adultère constitue une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations résultant du mariage, qui rendent intolérable le maintien de la vie commune et est directement à l'origine de la séparation du couple.

C'est dès lors à juste titre qu'il a été fait droit à la demande principale en divorce. 

SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE :

Monsieur X... articule deux moyens : le défaut d'assistance et l'adultère.

* Le défaut d'assistance :

Monsieur X... fait valoir que son épouse ne s'est jamais occupé de lui alors qu'il a été très malade, qu'elle s'est désintéressée de lui progressivement. Il en veut pour preuve l'attestation de ses deux kinésithérapeutes qui justifient de la qualité de sa rééducation et de son implication, ainsi que le certificat de son infirmier qui justifie des soins qui lui ont été prodigués. Pour autant, ces éléments ne prouvent en rien que son épouse ne s'est pas occupée de lui, alors que la gravité de son état (amputation d'une jambe) justifiait évidemment de soins prodigués par des professionnels de santé.

Madame Y... justifie bien au contraire, par la production des attestations des médecins qui le traitaient à l'époque :

- " de sa présence à ses côtés " (docteur E...),
- " de ses capacités psychologiques pour assumer tout toute seule " (docteur F...),
- " de la façon admirable et permanente dont elle s'est impliquée pour lui donner des soins et l'assister moralement " (docteur G...).

Sa soeur atteste " des soins prodigués à son pied malade qui suppurait... elle a sacrifié sa vie professionnelle pour lui consacrer tout son temps ".

Ce premier grief est donc parfaitement infondé.

* l'adultère :

Monsieur X... prétend que son épouse aurait eu une relation adultérine avec Monsieur H..., et produit pour en justifier un seul élément, le témoignage de son ex belle-soeur.

Toutefois, Madame Y... produit de son côté le témoignage de son frère qui explique que Madame I... se venge ainsi de Madame Y..., qui avait témoigné en sa faveur dans sa propre procédure de divorce.

Le contexte familial ainsi relaté ne permet pas de retenir comme probant ce témoignage. Aucun autre élément n'étant produit, la preuve de cet adultère n'est pas rapportée.

Enfin, le fait que deux ans après son départ et plus d'un an après l'ordonnance de Non-Conciliation, Madame Y... ait refait sa vie ne constitue en rien un motif de divorce, dès lors que les époux étaient séparés et que Monsieur X... avait refait sa vie dès son départ.

C'est dès lors à juste titre, Monsieur X..., étant défaillant à rapporter la preuve de griefs fondés à l'égard de son épouse, que le premier juge l'a débouté de sa demande reconventionnelle en divorce.

En conclusion, il ressort de cet examen, en application de l'article 242 du Code Civil, la preuve de faits à la charge du seul mari constituant une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage, rendant intolérable le maintien de la vie commune. C'est à juste titre que le premier juge a prononcé le divorce aux torts exclusif de l'époux. Sa décision sera confirmée.

SUR LES CONSÉQUENCES DU DIVORCE :

SUR LES DOMMAGES ET INTERETS :

Le divorce est prononcé aux seuls torts de Monsieur X..., qui ne fait la démonstration d'aucun préjudice qui lui aurait été causé par son épouse, il sera débouté de sa demande.

Il n'est fait la démonstration par Madame Y... d'aucun préjudice matériel ou moral spécifique que la dissolution du mariage lui fait subir, les griefs dont elle fait état ne concernant que le comportement de son mari pendant le mariage et notamment les conditions de la rupture.

Il n'est par ailleurs fait la démonstration d'aucune faute à la charge de Monsieur X..., qui ne serait pas réparée par la présente décision, et d'aucun fait de nature à faire dégénérer en abus le droit d'ester en justice.

La demande de dommages et intérêts, que ce soit sur le fondement de l'article 266 du Code Civil ou de l'article 1382 sera rejetée.

SUR LA PRESTATION COMPENSATOIRE :

L'article 270 du Code Civil prévoit que " l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation compensatoire destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ".

L'article 271 du même code, ajoute que " la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ".

À cet effet il est énuméré de manière non exhaustive les éléments à prendre en considération dans la détermination des besoins et des ressources, il convient de retenir les points suivants :

- durée du mariage : 10 ans
-deux enfants issus de cette union.

* Situation de l'épouse :

Elle est propriétaire de son logement. Elle travaille en qualité d'auxiliaire de vie scolaire, emploi précaire qui lui assure actuellement un salaire de 688 €. Elle a deux autres enfants, elle perçoit pour l'une d'elle une pension alimentaire de 228 €. Elle perçoit 535 € de prestations familiales. Elle rembourse un prêt immobilier de 85 € par mois.

Elle a un compagnon mais rien n'établit qu'il vit à son domicile et que par conséquent les charges sont partagées, alors qu'il est attesté qu'il vit chez ses parents. Le fait que ce dernier partage des activités sportives avec les enfants ne constitue aucunement une preuve inverse.

Madame X... est âgée de 46 ans. Son activité professionnelle a été souvent interrompue et ses droits à retraite seront faibles.

* Situation de l'époux :

Il travaille en qualité de technicien du son pour FR3 pour un salaire brut mensuel de 2 271 € sur douze mois. Le fait qu'il ait subi un arrêt de travail de quatre mois explique uniquement la baisse momentanée de son salaire. Ses droits à la retraite seront beaucoup plus importants que ceux de son épouse.

Sa compagne est journaliste et bénéficie du statut d'intermittent du spectacle qui lui assure un revenu mensuel de l'ordre de 795 € par FR3 (cf salaire annuel en septembre 2006, aucun autre élément de preuve plus récent n'étant produit), outre les indemnités versées par l'ASSEDIC.

Ils ont fait l'acquisition d'une maison pour laquelle ils remboursent 569 € par mois. Monsieur X... verse 300 € de contribution pour les enfants.

Monsieur X... indique avoir fait des investissements dans la maison de Madame Y..., dont il revendiquera le remboursement dans le cadre de la liquidation de la communauté à la condition que ces sommes excèdent sa part contributive aux charges du mariage.

Il ressort de cette analyse l'existence d'une disparité créée par la rupture du mariage dans les conditions de vie respectives, justifiant la fixation d'une prestation compensatoire au profit de Madame Y..., sous la forme d'un capital dont le montant sera réduit à 20 000 €.

SUR LA RÉSIDENCE DES ENFANTS :

Monsieur X... demande la garde alternée.

Il résulte des éléments versés aux débats, des termes des conclusions des parties, du rapport d'enquête sociale que les parents sont en conflit. Il est dans ces conditions impossible de mettre en place une mesure qui suppose des relations apaisées entre les parents.

Les enfants ont trouvé auprès de leur mère la stabilité et l'équilibre dont ils ont besoin. Il ne sera pas fait droit à la modification de leur résidence. Le droit de visite et d'hébergement du père sera élargi conformément à sa demande la mère n'y étant pas opposée pour les mercredi.

Il ne sera pas fait droit à la demande concernant la remise des enfants à l'école le lundi matin car le retour des enfants chez leur père le mardi suivant serait de nature à déstabiliser par trop leur rythme, la Cour ignore également dans quelle condition leur valise est gardée ou non par l'école. Il va de soit que la mère est libre d'accepter cet élargissement.

Monsieur X... ne conclut pas sur la demande de partage des vacances d'été, il y sera en conséquence fait droit.

Les dispositions concernant le montant de la contribution ne sont pas contestées.

Monsieur X... succombe en ses deux demandes principales concernant le prononcé du divorce et la garde des enfants, il sera condamné aux dépens.


PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant en audience publique, après débats en chambre du conseil, contradictoirement et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi.

Au fond, infirme le jugement déféré mais seulement sur le montant de la prestation compensatoire et les modalités du droit de visite et d'hébergement du père,

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés

Condamne Monsieur X... à payer à Madame Y... une prestation compensatoire d'un montant de 20 000 €.

Sur le droit de visite et d'hébergement : dit que Monsieur X... pourra également recevoir ses enfants les deuxièmes et quatrièmes mercredi de chaque mois, enfants pris le mardi soir à la sortie des classes et ramenés le jeudi matin à la rentrée des classes.

Dit que les vacances d'été seront partagées en quatre périodes équivalentes, le père exerçant son droit les deux premières périodes les années paires et les deux deuxièmes périodes les années impaires.

Confirme le jugement déféré pour le surplus,

Y ajoutant,

Condamne Monsieur X... aux entiers dépens de l'appel,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Autorise les avoués de la cause à recouvrer les dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Le présent arrêt a été signé par Bernard BOUTIE Président de Chambre et par Isabelle LECLERCQ, greffier présente lors du prononcé. 


LE GREFFIER                 LE PRÉSIDENT